Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Travail et Handicap

La vie d'un handicapé, survivant d'un cancer, 10 ans d'un parcours médical....

38- De chimios en chimios

Publié le 7 Mars 2017 par Christophe Planeze

La semaine m'a parût courte. Je suis encore malade quand je me présente à la "petite" chimio. C'est une perfusion de Navelbine, donc, elle sera de quelques heures. Le truc dingue c'est que même l'anti-vomitif me fait vomir, va comprendre! Bref, cette visite à l'hôpital sera moins rock&roll que la précédente. Il ne faut pas croire qu'elle est pour autant anodine car les nausées s'amplifient, et les échos de ma douleur renvoyés dans les seaux ou je dégueule me font moins rire. J'ai tellement mal au ventre, mal partout, le reste de mon poumon est gavé d’agrafes qui frottent à l'intérieur et comment soulager des frottements ou tu ne peux pas accéder! Je suis un peu K.O ou un peu "à coté", les séquelles de l'opération s'ajoutent à chaque vomissement, à chaque toux qui elle même provoquent des vomissements. Je ne suis même pas soulagé quand on me débranche car maintenant, je sais ce qui m'attend!

Normalement, il y aura répèt samedi, depuis le temps que je travaille pour cet album, il faudra bien le terminer un jour. A ce moment, arrive un virage important et pas signalé sur la carte. Non, pas un virage concernant la maladie mais juste un putain de virage de la vie. La douleur, s'ajoutant à la douleur, il n'y avait pas de raison pour que la situation ne s'aggrave pas, même si on croit que ça ne peut pas être pire, ça le peut, ça le peut toujours. Je reçois un appel téléphonique de mon frère, le plus jeune (nous somme trois). Il m'informe que ma nièce que j'adore, fille de mon autre frère, se drogue à la dure et n'est pas loin de passer l'arme à gauche. Génial, il manquait plus que ça. Il me faut du temps pour assimiler l'info. Il prévoit une opération de sauvetage qui consisterait à aller la chercher à l'autre bout de la France et se partager la garde le temps de la sevrer. Il regarde peut-être un peu trop la télé et croit sans doute que ça va se faire comme au temps des esclaves, ou on droguait les pauvres gens, jetés à fond de cale et bourrés de drogue pour qu'ils fassent pas chier pendant le voyage. C'est vrai qu'à l'époque, ils étaient enfermés deux semaines à l'arrivée, le temps du sevrage avant d'être vendu, ils dégustaient pas mal et certains survivaient, mais l'époque a changé. En fait, mon frère est très dur, même si son éducation a été plutôt facile, c'était le dernier de la fratrie, il donne une éducation hyper rigide à ses enfants et souvent à la limite de la violence, comme quoi, l'éducation n'a rien ou peu à voir à ce que l'on devient. Moi, je n'en ai pas eu, c'est plus facile, mes défauts ne viennent que de moi. C'est un peu le chaud et le froid dans mon esprit. Mon frère est en instance de divorce et semble avoir trouvé une matrone digne de son autoritarisme, ça doit être gai à la maison! Son fils est petit à l'époque mais déjà dans une position très en retrait, pré prostré.... De plus, dans une discussion anodine, il m'explique qu'il faisait des dîners de cons avec son ex, ils allaient manger chez des gens et passait le reste de la soirée à critiquer la maison, les enfants de leurs convives, leurs fringues, leurs tronches, bref, pas brillant tout ça. Mon frère est un gros con, il faut faire avec, je ne savais pas, j'ai pas choisi. Il ne doit pas supporter d'avoir une nièce droguée jusqu'au yeux! Que faire? Déjà, je tente de la joindre pour discuter de la situation. J'ai le cœur qui explose en entendant sa voix. Je connais trop bien cette espèce de surexcitation et ce débit de mots à la vitesse des connexions rapides... J'ai été jeune et je crois bien avoir fait le tour de pas mal de saloperies à l'époque, comme je l'écrivais plus haut, je me suis "éduqué" tout seul, avec gourmandise parfois. Bref, il n'y avait aucun doute sur le fait qu'elle soit perchée mais elle se plantait même sur les doses et me racontait des histoires, dans cet état on ne se rend pas compte des incohérences et on prend tout le monde pour des cons, y compris ceux que l'on "aime". Bref, je triais le possible et les conneries qu'elle me racontait. C'était pas brillant du tout et pour avoir eu mon grand frère sur le dos..., je me posais pas mal de questions sur les tenants et les aboutissants qui avaient poussé ma nièce à se camer! Sachant quand même qu'il n'y a souvent pas de raisons précises, c'est plutôt sa santé qui m'inquiétait. Une OD (overdose) et c'était plié! Après une longue conversation, je raccrochais le téléphone avec des centaines de questions. Mon "frère" me proposait de la prendre une semaine sur deux! Mais c'est plutôt un centre de désintox que j'avais dans la tête et, ça tombait bien, il y en avait un à 25 kms de chez moi. Bref, me voilà dans les démarches avec mes douleurs, mes médocs et mon seau pour voir ce qui serait possible pour ma nièce. Il fallait aussi que je préoccupe de ma prise de sang pour comptabiliser mes guerriers, pour savoir si j'avais une armée prête à faire face à la nouvelle grosse chimio.

J'étais vraiment mal né. Je m'excuse aujourd'hui de tout ce que j'ai fait de travers mais, bien que j'ai refusé longtemps de l'accepter, j'avais des circonstances atténuantes: Mon père a préféré se balancer au bout d'une corde alors que j'avais 10 ans, ma mère est devenue d'abord alcoolique puis violente et alcoolique, mon grand frère s'est fait la malle à l'armée dès qu'il a pu, et moi, je me suis débrouillé comme j'ai pu, les trois quart du temps dans la rue, sous les ponts pendant que le petit frère était adulé. J'ai été longtemps violent et je ne compte plus les pauvres types que j'ai abîmés, y compris ma mère pour m'enfuir en défonçant la porte pour éviter les coups de couteaux ou de ciseaux, j'ai pas mal reçu, j'ai même pris un sacré coup dans la tête par un oncle qui était venu me punir de m'enfuir, je lui garde une baffe énorme et haineuse si par hasard je le retrouve après la vie, en tout cas, il m'aura apprit ce qu'est l'injustice et la révolte. Ça forge un caractère un peu spécial, la violence, la rue. La démerde, au bout du compte, ça emmerde. Le moment ou j'apprend que ma nièce vis ce que j'ai traversé en partie me révolte. Comment ne rien faire? Comment mon grand frère a t'il fait pour en arriver là? Lui, il paraît doux, trop doux? Qu'a t-il fait? C'est décidé, je lache l'affaire sur ces questions car avoir des réponses ne changera rien aux faits. Il y a urgence. Je cherche des solutions avec Stéphie pour savoir quoi et comment faire. Le téléphone a chauffé deux jours, je crois qu'on a fait le tour, le grand tour des options possibles. Reste à attendre les autorisations, les confirmations, la prise en charge, les rendez vous avec mon seau, la visite du centre... Puis, la fameuse chimio. Il me reste très peu de guerriers. Plus de bombes ni de fusils mais des arcs et des flèches. Mais on peut faire cette chimio, ça devrait passer, alors, on y va. J'avais le cœur tellement lourd, tellement lourd.

Commenter cet article