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Travail et Handicap

La vie d'un handicapé, survivant d'un cancer, 10 ans d'un parcours médical....

40- Chaud comme l'enfer

Publié le 22 Mai 2017 par Christophe Planeze in Histoire

La première nuit fût courte. Déjà nous étions arrivés assez tard et la première difficulté commença dès le repas. Clochette avait beau prendre de la merde elle ne mangeait pas n'importe quoi. Comme nous n'avions pas les moyens de manger "comme il faudrait", elle faisait la difficile et triait la nourriture dans son assiette avec un dégoût affiché. "Ce n'est pas grave, je mangerais quand même" disait-elle en poussant 90% des aliments sur les bords de son assiette. Je ressentais le voyage de mon coté et j'étais extrêmement fatigué. Stephie était un peu en panique et essayait, en vain, de raisonner clochette pour qu'elle mange un peu. Très vite, elle termina son "repas" et demanda de prendre une douche. "Pas de problème, la salle de bain est au premier et nous avons préparé une petite chambre dans mon bureau". Elle prit ses affaires, moi les sacs puis on lui montra son petit univers provisoire. Elle était contente en s'allongeant sur le petit lit de secours que nous avions. Nous sommes redescendu et avons entendu clochette entrer dans la salle de bain. Un autre problème se révéla à mesure que le temps passait. La douche de clochette durait le temps de la capacité du ballon d'eau chaude qui contenait 200 litres. Nous devions donc compter ça aussi, à peu près 500l d'eau et 200l à réchauffer par jour. Le premier soir, nous nous sommes lavés à l'eau froide avec Stéphie car elle avait vidé le ballon. Sa présence allait nous coûter en tout, nous avions prévu la problématique de l'affrontement car nous voulions fixer des règles mais nous avions zappé la situation pécuniaire qui n'était déjà pas brillante du tout. Il fallait essayer de la raisonner et se projeter pour avoir de quoi régler les factures d'eau et d'électricité quand elles arriveront et régler le problème des aliments. C'est étrange, d'un coup d'un seul, tous les "à cotés" devenaient à eux seul un problème de plus à la situation! Le lendemain, je devais partir pour une grosse chimio et j'avais une peur terrible de ces deux jours ou Stéphie serait en tête à tête avec clochette. Il n'y avait pas le choix. Je ne me souviens plus comment nous avons fait, je crois que j'ai pris une VSL. J'essayais, dans la mesure du possible de me débrouiller pour les petits déplacements mais je ne pouvais pas préjuger de mon état sur une grosse chimio. Le matin suivant, l'ambulance était là et je partis le ventre serré en laissant Stéphie seule face au monstre Cocaïne. J'avais le sentiment de l'abandonner et je m'en voulait de lui avoir imposé cette situation de dingue. A peine arrivé à l'hosto, je lui téléphonais pour savoir comment les choses se passaient, et comme je l'avais pressenti, la guerre était déclarée. Je montais sur le lit en essayant de sourire pour mes soignantes pendant que l'on préparait mon poison, ma perf, le seau d'urgence. Le premier produit étant un anti-vomitif qui avait pour effet de me donner la nausée directe, je prenais les premières minutes à préparer tout autour de moi, surtout à m'assurer qu'il n'y ait aucun obstacles entre le lit et les WC, que le portant à roulettes soit dégagé et que rien ne puisse se prendre dans les tuyaux. De toute façon, une grande partie de ma nuit se déroulerais la tête dans la cuvette, autant faire le nécessaire pour qu'elle soit accessible. C'est assez tard que le téléphone a sonné. Stéphie, à la maison était au bord des larmes, clochette entrait en zone de manque et menaçait de s'injecter n'importe quoi, elle demandait à Stéphie de lui écraser des cachets effervescents de codéine pour se faire un shoot! C'était la bagarre. Allongé sur mon lit, je tentais de calmer Stéphie tout en retenant mes nausées, je savais qu'elle était en enfer et que Clochette était devenu ce monstre prêt à tout pour assouvir sa faim de merde pourvu que ça se termine en "ïne" ! La nuit fût moins difficile pour moi que pour Stéphie qui dû batailler jusqu'à ce que les forces de Clochette déclines et qu'enfin elle s'endorme. La journée suivante fût encore plus difficile, Stéphie gérait avec des anti-inflammatoires, des somnifères, des riens et des touts, faisant face comme une guerrière à Clochette. De mon coté, rien de nouveau, des allez retours lit, Wc, rien de comparable, presque l'arrière quand Stéphie était au front. A mon retour, Clochette était endormie et Stéphie était dans un état pire que moi! Elle monta se reposer un peu pendant que j'attendais le réveil du monstre. Il restait une nuit à tenir, mais j'étais là, et je n'avais pas l'intention d'ajouter ce monstre à celui que j'avais dans le corps. A peine avait-elle ouvert les yeux que je lui fit une mise au point de fou pour que la dernière nuit se passe mieux. A priori, elle avait un tout petit reste de merdouille, ajouté aux kilos de codéine, qui nous permettrait d'attendre le lendemain. Après deux haricots et un ballon d'eau chaude, Clochette monta se coucher et nous pûmes tous dormir quelques heures. Le jour se leva, nous avions rendez vous à 8h00 au centre de désintoxication. Les sacs furent vites fait, le déjeuné aussi. Nous étions tout les trois défoncés, pas pour les mêmes raisons mais dans le même état. C'est trois fantômes qui débarquèrent dans les lieux qui nous donnaient l'espoir que Clochette sorte de son cercle infernal. Vu la tronche qu'on avait, je me demandais si ils allaient tous nous garder! Après un entretien avec un connard de soignant de merde qui dit tout de go "Vous savez, il faut parfois des dizaines d'années avant qu'un drogué s'en sorte" et ça, devant Clochette qui, en entendant ça, esquissa un petit sourire à peine caché. Nous partîmes, Stéphie soulagée et moi avec des envies de meurtre. C'est sûr, elle prendra son temps Clochette. Alors que nous avions convenu d'un sevrage sur plusieurs mois en relation avec une étude faite aux Etats-unis qui donnait d’excellents résultats, ce pauvre con de soignant, qui devait ignorer que les camés gardent leurs oreilles, venait de tout foutre en l'air et de conforter Clochette dans sa situation pour des années, des dizaines d'années. Alors que je faisais tout pour vivre, elle avait fait tout pour mourir. Mais quel con! On ne dit pas ça devant un patient! C'est clair qu'avec ce genre de dialogue les jeunes accros se donnent le temps. Venant d'un "soignant", je trouvais ça révoltant, j'aurais dû lui casser la gueule, sa grande gueule de con, j'étais pas en état, mais j'aurais dû lui mettre au moins une grosse baffe, même si le mal était fait, ça m'aurait fait du bien, et du bien, j'en avait besoin.

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