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Travail et Handicap

La vie d'un handicapé, survivant d'un cancer, 10 ans d'un parcours médical....

32- AU BOULOT

Publié le 26 Novembre 2016 par Christophe Planeze in Histoire

Réveil en douceur par le petit déjeuné, plus tard qu'à l'hôpital, on m'ouvre les rideaux, la lumière entre dans la chambre et rebondit chaudement sur le lambris. Mon premier contact avec le personnel est plus que positif. Ils ont l'air détendus, peut-être content de travailler ici, c'est en tout cas ce que je ressens et j'espère que rien ne changera jamais si c'est le cas. J'ai mes médocs qui couvrent à peine la douleur mais je commence à m'habituer. Mon programme de la journée commence par des exercices de respirations après contrôles. Je ne me pose pas de questions, je me sens en confiance, j'ai même des blagues qui me reviennent en mémoire, je verrais bien si je trouve des gens pour se marrer un peu, ça me manque. J'ai la réponse très vite avec l'arrivée du médecin. Il est algérien, je ne me souviens pas de son nom comme la plupart des acteurs de mon sauvetage, dommage. Il entre dans la chambre avec un sourire éclatant et je lui sort une blague à laquelle il répond du tac au tac. On en ris tous les deux puis il m'explique en détail ce que je vais faire pendant mon séjour, le tout ponctué de jeux de mot de la part de l'un puis de l'autre. Je lui pose des questions imbéciles auxquelles il répond. J'avais besoin de ce rire, il me donne une énergie incroyable. Je me sens capable de me taper l'aller retour jusqu'à la salle à manger.... Premier contact très positif, rare sont les patients qui font la gueule, c'est un signe. Je me prépare donc à ma première épreuve, je dis épreuve car tout ce que je vais vivre dépendra de caps à franchir. Premier rendez vous en deux groupe avec deux soignantes, dans le couloir. Le couloir sert de test. Il s'agit de rallier un point dans le couloir et de faire demi-tour puis revenir au point de départ. Contrôle de la saturation, de la vitesse des battements de la centrale et de la tension. Le test est à faire 2 ou trois fois "Pour ceux qui pourront". Je regarde le couloir un peu interrogatif. Trop facile!  "Surtout, ne marchez pas trop vite, ce n'est pas une course", nous précise l'une des soignantes.  Je regarde les Pamis (contraction de papys et mamies" partir et revenir jusqu'au moment ou j'entend mon prénom. Je passe au contrôle technique avant le départ et je m'élance......petits pas après petits pas.... finalement, il est loin le bout du couloir. La marche est douloureuse et je cherche de l'air. Je fais mon demi-tour et je reviens au départ pour le contrôle à l'arrivée. "ça va monsieur Planeze? vous pensez pouvoir le refaire?". "bien sûr", je répond entre deux profondes respirations. Je m'assoie, j'en profite pour récupérer, je vois les Pamis faire claquer les chronos, parce qu'en plus c'est chronométré! Bien sûr, mon tour reviens trop tôt et je m'aligne sur la ligne de départ. Je passe le contrôle et je repart vers le fond du couloir qui est trop loin mais j'arrive au bout, mon demi-tour est moins gracieux, je me marre, je reviens comme je peux, j'arrive! Je m'appui sur le mur pour reprendre mon souffle et je repasse le contrôle. Tout est noté consciencieusement sur un carnet et, comme ancien pilote de rallye, je cherche les temps des yeux. Les Pamis me pourrissent! Je suis à la traîne! j'en reviens pas! "Vous pensez pouvoir pouvoir refaire l'exercice une fois de plus?" me demande la gentille contrôleuse. "Oui, pas de problème, j'attend mon tour, ça va aller". Elle me regarde et fait une petite moue qui en dit long sur mon teint gris. Pas grave! Je vais me le faire une troisième fois ce putain de couloir! Mon tour arrive, je me décolle du mur, je n'ai pas voulu m’asseoir car se relever demande trop d'énergie. ça y est, je suis sur la piste, je respire à plein...poumon, enfin, je rempli au mieux ce qui reste, je vais soigner mon demi-tour, je reviens pour le contrôle à l'arrivée, j'ai amélioré! je suis épuisé. "C'est juste une question de rodage, il y en aurait eu 4, j'aurais fait encore mieux!" dis-je à ma soignante. "Attention, il y a des exercices et du vélo cet après midi mais si vous voulez recommencer, allez y, chiche?" me dit-elle en souriant. "Bon, vu comme ça, on en garde pour demain" lui répondis-je. "Ok, c'est vous qui voyez", ça fait marrer tout le groupe! Non de non, ils me connaissent pas ! Retour difficile à la chambre, plusieurs heures de route, puis je me laisse tomber comme un sac de patate sur le lit qui cri son désespoir à l'impact. J'ai juste le temps de récupérer pour le fabuleux repas de midi! Décidément, ils savent cuisiner ici, un vrai bonheur! je me régale et nous discutons de choses et d'autres avec mes corééducs. Sympas, ouverts, on parle de tout et rien, je retrouve mon humour et ma table s'anime un peu. Des curieux d'à coté entendent mes conneries et je les entends passer de table en table avec des réactions du rire au "pouf" en passant par le "Rôoooo"! Je pourrais être le fils voir le petit fils de la majorité d'entre eux! C'est vraiment étrange! Sont cool mes Pamis! Fin de repas, course dans les couloirs, je finis bon dernier, encore. Je sieste sans le savoir car je me rend compte que je m'étais endormi quand on m'a réveillé pour le test du vélo! "Oups, je n'ai pas mis de réveil, désolé!", "allez, hop on y va" me dit ma supérieure en me montrant le chemin. J'ai du plombs dans les jambes, pas cool pour faire du vélo! La pièce à de grandes vitres qui donnent sur la pinèdes, les Pamis sont sur les vélos et se tapent le Tourmalet, j'enfourche ma monture, la soignante me dit "Bon, vous voyez le compteur, il ne faut pas qu'il descende en dessous de 60, respirez bien, je vais le mettre à 10, si c'est trop difficile, n'hésitez pas, on baissera". "Ok, j'y vais". Je me met à pédaler et je regarde le compteur pour le placer à 60, c'est trop facile! Juste à coté de moi, il y a un papy qui souffle en pédalant. "Bonjour, vous êtes nouveau?" me dis--il. "Oui, je suis arrivé hier, ça va ce n'est pas trop dur?" lui dis-je en lui montrant son compteur. "Non, c'est un bon entrainement, ça fait du bien". "Super, vous êtes là depuis longtemps?" Il me répond: "Trois semaines, je vais beaucoup mieux, j'ai 88 ans vous savez, alors il faut faire des efforts", le tout en souriant et à peine essoufflé! Moi, ce petit échange m'a fatigué, parler et pédaler ça bouffe une énergie de ouf! En tout cas, je pédale plus vite que lui, pas beaucoup, mais plus vite, je jette un œil à son compteur et je me rend compte qu'il est réglé sur 80.... je tapote le réglage de mon vélo doucement et arrivé à 40, je ne peux presque plus pédaler, je remet vite sur 10 et je regarde effaré le papy d'à coté me mettre un vent, lui en montée, moi en descente! Petit coup de cafard! Un jour, je l'aurais! Il reste 10 minutes, je suis mort, je force, ça descend pas assez! Mon papy a fini sa session, il descend du vélo sans trembler, "bon courage, au début c'est dur mais dans quelques jours ça ira" me dit-il en prenant une serviette. "Merci, à plus tard" lui dis-je entre deux respirations. La chef des vélos vient me voir "ça va? pas trop dur? voulez vous que je baisse pour les dernières minutes?". "Non, je vais y arriver, par contre pouvez vous me donner une serviette s'il vous plaît?" "Bien sûr, je vous donne ça tout de suite". Ah la serviette! elle a servi sur la fin la serviette! Sa absorbe une serviette! plusieurs litres de sueurs c'est certain! Les derniers coups de pédale dans la descente qui finie par monter aura été dure! J'ai du mal à, descendre du vélo! J'ai oublié mes jambes! je sais plus ou elles sont! Ah, ça y est, elles touchent par terre, je m'accroche au vélo un petit moment sous le regard appuyé de la soignante. Je retourne à ma chambre et au moment ou je passe devant elle, elle me dit; "C'est bien. C'est le début, ne vous inquiétez pas, ça va aller de mieux en mieux, vous êtes ici pour ça.". "Merci madame, je vais récupérer un peu, à tout à l'heure", j'ai senti son sourire bienveillant m'accompagner jusqu'à ma chambre ou je me suis de nouveau écroulé sur mon lit! Question: Combien de temps va tenir mon lit? Après un temps indéterminé ou j'étais dans un cirage épais, on vint me chercher pour les exercices physique! Heu, mais je vais jamais tenir! Je me retrouve au milieu des Pamis d'enfer en train de jouer avec des balles en plastique, lever les bras, puis avec un manche, passez le manche derrière la tête, puis en biais, je n'ai pas pu tout faire, je suis vraiment bloqué, pas facile, mes gestes sont limités, je prends conscience de la casse. Il y a du boulot. Tout est douleur. De retour dans ma chambre et avant de m'écrouler une fois de plus, je sort prendre une profonde respiration d'air marin. En tout cas, je ne suis pas en vacance, c'est clair! 

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